Il y a plusieurs approches pour maximiser le temps que l’on attribue à l’exécution des différentes tâches de notre journée de Solo. Si vous travaillez dans le domaine des services, il y a de fortes chances que vous ayez déjà songé à proposer une « banque d’heures » à vos clients. Alors que certains ne jurent que par cette solution, d’autres qui l’ont essayée sans succès la décrient. Tentons d’y réfléchir ensemble.
En général, l’avantage pour un client d’acheter une banque d’heures est qu’il bénéficie de l’un ou plusieurs des privilèges suivants :
- un boni ou un tarif préférentiel (ex. 1 heure gratuite à l’achat de 9 heures ou un rabais de quelques dollars sur le tarif régulier), ou
- une approche de tarification avantageuse (ex. temps compilé aux 10 minutes au lieu de 1h minimum par demande), ou
- une assurance que le nombre d’heures qui lui est réservé lui sera rendu à l’intérieur d’une période donnée (ex. 20 h à raison de 5 h / semaine max.)
Par sa banque d’heures, le client RÉSERVE un droit à votre temps. Si vous vendez ce même temps à 10 clients et que les 10 rappliquent en même temps et s’attendent à être prioritaires, il faudra trouver moyen de les servir, sinon on vous accusera de surréservation (overbooking). Les clients doivent donc être bien informés de ce à quoi leur banque d’heures doit servir et quels en sont les paramètres et limites.
Si vous êtes seul à produire le travail et n’avez aucun sous-contractant pour vous soutenir, il pourrait être sage de limiter les conditions de vos banques à des demandes de 1 ou 2 heures chacune. Inversement, si vous avez plusieurs collaborateurs qui peuvent prendre une partie de la charge, vous avez moins de contraintes. Bref, si vous ne croyez pas pouvoir répondre à la demande des banques d’heures que vous avez promises, cette approche n’est peut-être pas pour vous.
Pour bonifier votre réflexion, il faut également savoir faire la différence entre les mandats et les requêtes.
LE MANDAT est une démarche à long terme qui fait généralement l’objet d’une entente formelle ou d’un contrat. On le place sur la liste des projets à faire, on détermine le temps qu’il prendra et on le divise en étapes. On peut ensuite dire au client a) combien ça va lui coûter et b) dans combien de temps on peut le livrer.
LA REQUÊTE est une demande à court terme qui arrive souvent à l’improviste et se fait généralement en une seule séance de travail. Une requête doit généralement être insérée dans des plages de temps DÉJÀ prévues expressément pour ces cas-là et ne doit JAMAIS mettre en danger l’échéancier des mandats réguliers.
Explorons un exemple concret :
CONTRE la banque d’heures
Charles a six clients sur banque d’heures. Quand tout est calme et que l’un d’eux a une demande, il répondra toujours à la demande la plus urgente en premier. Jusque là, ça va. Mais quand plusieurs demandes se succèdent dans un temps rapproché, il est rapidement confronté à un goulot d’étranglement. Bonjour les heures sup!
POUR la banque d’heures
Julie a six clients sur banque d’heures. Quand tout est calme et que l’un d’eux a une demande, elle répondra toujours à la demande la plus urgente en premier. Jusque là, ça va. Mais quand plusieurs demandes se succèdent dans un temps rapproché, elle réussit quand même à gérer les demandes à la satisfaction de ses clients.
Pourquoi Charles se voit-il obligé de faire des heures supplémentaires et de sacrifier ses soirées et ses week-ends aux demandes de ses clients, alors que Julie réussit à gérer son flux de travail et à conserver une clientèle heureuse?
Parce que Charles a vendu ses banques d’heures comme étant un « droit de priorité », sans les limiter ou les encadrer. Voulant respecter l’ordre d’entrée des demandes, il se retrouve parfois avec une requête urgente exigeant une semaine de travail pour un client A, ce qui l’empêche de travailler sur une autre tout aussi urgente mais subséquente d’un client B qui pourrait se régler en une demie journée. Il doit donc souvent trancher à quelle « urgence » se consacrer, en mettant d’autres tout aussi importantes de côté, ce qui nuit à sa concentration.
Pour sa part, Julie applique plutôt à ses banques d’heures une approche de tarification avantageuse : le compilation du temps consacré au client par incréments de 10 minutes, au lieu du barème 1 h minimum par demande qu’elle exige de ses autres clients. Elle limite également ses interventions à un maximum de 2h par demande. Si le client requiert de fréquentes mais courtes interventions, c’est tout à son avantage de payer 10 ou 20 minutes, plutôt que 60 à chaque demande.
Le petit plus qui fait que la banque d’heure est une bonne solution pour Julie, c’est qu’elle a également pris soin de garder le contrôle sur sa situation d’entrepreneure, ses échéanciers et les délais.
1) Elle comprend que l’urgence du client ne lui appartient pas et qu’elle n’a pas à chambouler son agenda ni à pénaliser les autres dossiers pour accommoder celui qui arrive en panique.
2) Elle a éduqué ses clients sur le concept d’urgence (c.-à-d. quand ça saigne et qu’une vie est en danger et dans ce cas il faut composer le 9-1-1). Ils comprennent qu’elle ne doit pas servir de zone tampon pour leur manque de prévoyance et de planification. Elle veut bien accommoder une urgence occasionnelle mais il est clair que c’est une EXCEPTION pour éviter que ça devienne la règle.
3) Elle protège sa position d’expert, sachant que c’est ELLE qui sait combien de temps prend un travail et quand elle peut le livrer en fonction de SON agenda. Ce n’est pas au client de le lui dicter.
4) Avant de proposer une banque d’heures à un nouveau client, elle s’assure de ses propres disponibilités et, le cas échéant, de pouvoir compter sur des collaborateurs pour de l’aide si elle ne suffit pas à la tâche.
5) Elle prévoit TOUJOURS plusieurs périodes libres à travers ses mandats pour répondre aux requêtes rapides et aux imprévus. En l’absence de demandes surprises, ça lui donne le temps de souffler ou ça lui permet de livrer un autre projet avant son échéance, à la grande admiration de ses clients qui la croient magicienne.
6) Elle applique la règle du POURQUOI en demandant au client pourquoi c’est urgent et ce qui arrivera si ce n’est pas fait à temps. Son expérience lui a appris que les « urgences » sont souvent arbitraires, comme la hâte d’ajouter un projet de plus à une liste d’exploits pour mieux paraître à la prochaine assemblée.
7) Elle a implanté une « tarification d’urgence » pour mettre rapidement terme aux mauvaises habitudes. Une facturation à temps double ralentit bien des ardeurs.
Ah oui, et si un client lui fait une requête urgente le vendredi après-midi pour livraison le lundi matin suivant, c’est un NON catégorique. Elle a également droit à un week-end de repos.
Passionnée d’entrepreneuriat, l’auteure accompagne les entrepreneurs dans leurs réflexions et leurs prises de décisions depuis 1997.
On la consulte pour mieux cerner ses options face à une situation difficile ou lorsqu’une décision importante exige une réponse alors que l’arbre semble cacher la forêt.