À tous mes amis entrepreneurs, je vous fais aujourd’hui mes adieux officiels après trois années d’acharnement. C’était un beau rêve, mais je rends les armes. Comme on le dit si bien, la rétrospection est toujours très claire. L’évidence me sautant maintenant aux yeux, je constate aujourd’hui tous les endroits où j’ai erré.
J’ai démarré mon entreprise sans trop planifier, alors que j’avais perdu mon emploi. Je croyais en mes capacités et en mes talents et la perspective d’être mon propre patron, de gérer mon propre horaire et de m’autoriser quelques jours de farniente par semaine me souriait. Déjà, j’errais…
Après avoir libéré une pièce de ma maison, j’y ai installé mon bureau. J’ai investi dans des outils de pointe et n’ai pas regardé à la dépense pour m’équiper. Même la couleur des chemises et des crayons était agencée au mobilier.
J’ai choisi un nom d’entreprise que je trouvais beau, sans me demander s’il était pertinent ou disponible. J’ai créé moi-même mon logo, ma carte professionnelle et mon dépliant et en ai fait imprimer 2000 exemplaires. Six mois plus tard, je devais tout jeter à la poubelle quand un huissier frappa à ma porte pour me remettre une mise en demeure me sommant de cesser d’utiliser mon nom d’entreprise qui appartenait à un concurrent depuis déjà dix ans.
Après dix mois sans revenus, je me suis joint à quatre associations d’affaires, espérant que le fait d’avoir mon nom dans quatre annuaires différents me serait profitable. J’ai toutefois rarement participé aux activités organisées par ces dernières. Je préférais attendre que le téléphone sonne, en aiguisant mes crayons et en rêvant aux jours meilleurs où mon entreprise serait submergée de contrats.
Les quelques occasions où j’ai participé à des rencontres de réseautage, j’ai remis des cartes professionnelles dans toutes les mains et déposé des dépliants sur toutes les tables. Quand on m’approchait, je parlais sans cesse de moi et de mes services, sans me soucier de mon interlocuteur. Seul mon message était important.
J’ai pris sans donner et ai sollicité des conseils et de l’information à droite et à gauche, pour éviter d’avoir à payer quiconque pour ses services, me faisant rapidement une réputation de profiteur.
Quand je fus approché pour m’impliquer bénévolement, j’ai refusé, prétextant que mon temps était trop précieux et que j’étais trop occupé. La vérité est que j’avais peur de sortir de ma zone de confort, de m’ouvrir aux autres, de révéler mes limites et que l’on découvre mon inexpérience. Je vois aujourd’hui que c’était là une occasion inestimable d’apprendre à travailler en équipe et de faire de précieux contacts.
Je me suis entêté à tout faire moi-même au lieu de me concentrer sur ma spécialité. Ce faisant, j’ai raté des occasions de développer mon entreprise, trop occupé que j’étais à compter, à rédiger, à traduire et à accomplir des tâches pour lesquelles je n’avais aucune aptitude.
Quand j’ai obtenu de gros mandats, je les ai remplis tout seul au lieu d’aller chercher de l’aide. J’y ai travaillé jour et nuit, me suis épuisé, ai négligé ma famille, mes enfants, mes amis et mon développement d’affaires. Après avoir manqué plusieurs échéanciers importants, mes clients m’ont délaissé.
J’ai jalousé ceux qui avaient du succès au lieu de leur demander de l’aide, ce qui représentait pour moi un signe de faiblesse. Je voulais faire cavalier seul pour montrer aux autres combien j’étais indépendant et fort.
J’ai dit du mal de mes concurrents au lieu de faire valoir mes propres forces ou de m’en faire des alliés.
J’ai refusé de partager mes succès avec d’autres qui auraient pu m’aider à croître, de peur qu’ils ne me volent mes clients.
J’ai négligé de continuer à me former pour demeurer à la fine pointe de ma spécialité et ai vite perdu du terrain face à mes concurrents.
J’ai tiré partout et sur tout ce qui bougeait, espérant faire mouche, sans jamais m’asseoir pour réfléchir à une stratégie viable et pour établir un plan d’action que j’aurais pu suivre avec confiance.
À ma famille, je sais que ma décision vous réjouira. Après tout, vous me le disiez depuis le début que « ça ne marchera pas ». Vous serez heureux de me voir revenir dans la routine « métro, boulot, dodo » du 9 à 5 et aux week-ends de magasinage, de restaurants et de cinéma. J’y perdrai mes rêves, mais à quoi bon se battre… vous êtes trop nombreux et je suis si seul.
Adieu à tous! Souvenez-vous de mes rêves et non de mes erreurs.
Je débute mon nouvelle emploi demain matin.
Adieu! Adieu!
Passionnée d’entrepreneuriat, l’auteure accompagne les entrepreneurs dans leurs réflexions et leurs prises de décisions depuis 1997.
On la consulte pour mieux cerner ses options face à une situation difficile ou lorsqu’une décision importante exige une réponse alors que l’arbre semble cacher la forêt.