Lors d’une rencontre Espace SOLO, nous explorions notre relation à l’équilibre de vie et à notre emploi du temps. Constat : l’équilibre est précaire et semble souvent hors de portée. Au travail, on culpabilise de ne pas consacrer suffisamment de temps à notre vie personnelle, et en situation inverse, notre entreprise occupe 90 % de notre cerveau et de nos sujets de conversation. Depuis, je réfléchis.
Comment se défaire de cet inconfort permanent et de ce sentiment étrange qu’on est toujours hors-contexte? Comment jouir pleinement des moments passés en mode « perso » sans toujours penser au boulot en arrière-plan? Comment tracer une limite avec laquelle on soit confortable et surtout, en paix? Je n’ai pas la réponse, mais voici certains constats personnels.
Je me souviens fort bien de ce sentiment, mais constate avec étonnement qu’il ne m’habite plus depuis plusieurs années. Il semble que j’aie réussi à le vaincre ou à le contourner sans trop m’être attardée à la méthode et je m’y penche seulement maintenant, avec un regard neuf.
VOULOIR COURIR AVANT DE MARCHER
Pour ma part, je crois que le noeud initial était surtout lié à la perception que j’avais de mon niveau de compétence (ou plutôt d’incompétence…). Non seulement je débutais dans un domaine totalement nouveau et j’apprenais mon métier « sur le tas », mais j’ignorais TOUT d’être entrepreneur. La double montagne que je devais gravir me semblait donc incroyablement haute et semée d’embûches. L’ampleur de la tâche me laissait toujours avec le sentiment de n’avoir jamais terminé. J’avais hâte d’arriver au même niveau de compétence professionnelle et de rentabilité que je connaissais en emploi, oubliant par le fait même tout le temps que j’avais mis à y arriver. Bref, je voulais courir alors que je ne savais pas encore marcher.
Parallèlement, je me souviens d’un net sentiment d’exaltation. J’étais épatée par la rapidité avec laquelle mon cerveau s’était remis en mode d’apprentissage et combien j’avais SOIF d’apprendre! L’ancienne salariée que j’étais s’était creusé de profondes ornières et avait cessé d’apprendre. Mon emploi m’avait littéralement abrutie. Maintenant en situation de nouveauté totale, libre de toutes contraintes, j’avais l’impression d’être devant une infinité de possibilités. Et je gérais cette nouvelle passion comme tout bon passionné, j’en parlais… tout le temps! Malheureusement, ça ne passionnait que moi, car personne ne vivait cette réalité dans mon entourage à part moi.
LA PASSION COMME GAGNE-PAIN
Choisir l’entrepreneuriat comme mode de vie professionnel, c’est largement décider de vivre sa passion dans un contexte où il est aussi notre gagne-pain. Dire à un entrepreneur que sa passion ne vous intéresse pas (situation très courante quand votre entourage est largement salarié), c’est comme dire à un parent que son enfant est idiot. Pour le passionné, se buter à un refus ou un désintérêt est douloureux et cause de l’isolement.
Et si ce décalage que nous ressentons ne provient pas tant de nos vies personnelle et professionnelle qui se chevauchent continuellement, mais plutôt de notre hâte à atteindre une vitesse de croisière confortable et du fait que notre passion ne trouve pas écho aux oreilles de notre entourage comme nous l’aimerions?
COMMANDER LE BATEAU, PAS L’OCÉAN
Rétroactivement, j’ai réalisé que pour me permettre d’être vraiment présente à ma vie personnelle, je dû choisir mes batailles en ajustant mes attentes professionnelles pour qu’elles cessent d’empiéter sur ma vie personnelle. J’ai donc principalement travaillé sur trois volets pour me défaire de ce sentiment de décalage :
1. JE ME SUIS ENTOURÉE – J’ai joint des réseaux d’affaires où je sentais de réelles affinités avec les membres et l’administration, et je m’y suis activement impliquée. Au fil des rencontres, j’ai bâti mon propre réseau professionnel et suis restée en contact étroit avec ceux dont je partage le plus d’affinités. Ceci me permet d’être en contact constant avec des gens qui comprennent ma réalité, avec qui je peux échanger d’égal à égal sur mes défis d’entrepreneurs (sans me faire dire d’abandonner mon rêve et de retourner chercher un emploi), et avec qui je peux partager mes réussites et célébrer mes victoires (sans peur de me faire targuer de vantardise).
2. JE CHOISIS MIEUX MES DÉFIS – À mes débuts, comme presque tous les solos, je voulais servir tout le monde! Ceci me forçait donc à acquérir et à maîtriser à moi seule plusieurs spécialisations et compétences individuelles. Je croyais devoir TOUT savoir, alors que certaines approches ne serviraient à aucun de mes clients. J’ai vite compris qu’il était plus réaliste de choisir des mandats que je pouvais remplir (seule ou avec des collaborateurs), et de peaufiner mes compétences dans des domaines précis pour déléguer ou référer ce qui dépassait mes capacités.
3. JE CONTRÔLE MON AGENDA – Depuis 2005, je réserve à l’agenda une semaine de relâche aux deux mois (en plus du congé estival et celui des fêtes). Elle me sert de zone tampon pour souffler, prendre du temps pour moi, planifier ou parfaire mes compétences. Ma clientèle s’est très facilement adaptée à ce rythme. Puisque je choisis mieux mes défis et que je gère mieux l’agenda, je n’ai pas continuellement l’impression de laisser du travail incomplet. Dieu merci, il y aura TOUJOURS quelque chose à faire demain. Je tente de bien prioriser et d’être réaliste dans les échéanciers promis.
Depuis que j’ai adopté ces approches, je suis en mesure de mieux profiter de moments que je m’accorde pour ma vie personnelle. J’ai des collègues et des collaborateurs avec qui je peux librement partager sur ma réalité d’affaires et me sentir écoutée et comprise. Ceci me permet d’aborder d’autres sujets avec mon entourage et de m’intéresser à LEURS propres passions sans me sentir incomprise. Finalement, si j’ai certaines périodes de travail assez intenses, il y a toujours une semaine de répit pas trop loin pour rétablir l’équilibre, faire le point et rajuster le tir au besoin.
Et vous, avez-vous trouvé quelles sont les attentes professionnelles qui empiètent potentiellement sur votre vie personnelle?
Passionnée d’entrepreneuriat, l’auteure accompagne les entrepreneurs dans leurs réflexions et leurs prises de décisions depuis 1997.
On la consulte pour mieux cerner ses options face à une situation difficile ou lorsqu’une décision importante exige une réponse alors que l’arbre semble cacher la forêt.